L’enfance, point de départ de notre manière d’habiter le monde ? A 80 ans, J.M.G. Le Clézio, Prix Nobel de littérature 2008, revient sur des souvenirs, heureux et mois heureux, dans son dernier roman, « Chanson Bretonne » (Gallimard, 2020).
Pour lui qui, à trois ans et en pleine Seconde Guerre mondiale, a vécu l’enfermement et l’isolement, au moins le confinement dû au Covid-19 portait-il l’espoir d’une fin. J. M. G. Le Clézio, prix Nobel de littérature 2008, que nous recevions l’an dernier pour son essai Quinze Causeries en Chine, est notre invité aujourd’hui pour son dernier roman : Chanson bretonne (Gallimard, 2020). Le conte de son enfance bretonne, après la guerre, heureuse, entre la mer et la terre de ses aïeuls. Il est suivi d’une deuxième partie, L’enfant et la guerre, plus douloureuse cette fois, car centrée sur son enfance à Nice, où sa grand-mère et sa mère, pendant la guerre, les avaient emmenés lui et son frère.
Je n’aime pas trop ce mot de nostalgie, qui a quelque chose de complaisant : quand on est dans la nostalgie, on est dans une sorte de plaisir douleur. (…) Je préfère l’idée de rêver à ce qu’a été cette enfance durant laquelle je me suis senti entièrement libre de mes mouvements, de mes rêves, de mes pensées.
(J.M.G. Le Clézio)
Deux épisodes marquants de son enfance, qui expliquent peut-être en partie l’écrivain que l’on connaît aujourd’hui. Ainsi les histoires que racontait sa grand-mère, femme courageuse, – conteuse, dit-il, romancière donc- ont-elle inspiré son goût pour la littérature. De même, la rencontre avec la langue bretonne, dont-il déplore la disparition autant que les déformations que la modernité a causées au pays bigouden, est l’occasion, chaque été, de se fondre dans une autre culture et une autre manière de vivre. En même temps que la Bretagne est pour lui une terre familière et familiale, un lieu où sa mère a aimé revenir comme si elle revenait chez elle, y ayant notamment passé sa lune de miel.
Les guerres ne sont pas des moment de gloire, ce sont des moments d’horreur et de destruction.
(J.M.G. Le Clézio)
(Avec L’enfant et la guerre), j’ai eu envie, peut-être à cause de mon âge, de faire une plongée dans un monde qui précède mon acquisition du langage ; j’ai des souvenirs très forts liés à la guerre : souvenir d’avoir faim, d’avoir froid, d’avoir peur et de ne pas savoir de quoi on a peur, d’être confiné…
(J.M.G. Le Clézio)
S’il déplore la disparition des paysages d’antan, J. M. G. Le Clézio ne s’adonne pas pour autant à la nostalgie, ni à l’idéalisation de la terre perdue. Il n’omet ainsi pas de mentionner la dureté des modes de vie, tout en louant le travail de ces héros de tous les jours qui, par leur lien à cette terre, ont contribué à la survivance de la Bretagne de son enfance. C’est à eux, écrit-il, qu’il dédie cette « chanson bretonne », ce conte.
La Bretagne du temps de mon enfance était un pays très différent du reste de la France, un pays qui avait une force poétique, une création dans un autre, une beauté absolument époustouflante…
(J.M.G. Le Clézio)
Extraits sonores :
- Clara Luciani, » Chanson pour ma vieille » De Béart à Beart(s)
- Joyce Carol Oates à propos de Paysage perdu (2017)
Ecoutez l’interview de J.M.G. Le Clézio par Olivia Gesbert : Ici